Rose aura 90 ans en janvier prochain.
Les enfants du voisinage ne l'appellent jamais Madame B., ni Madame tout court d'ailleurs ; ils l'appellent Madame Rose. Moi, je l'appelle simplement Mémé. Rose est mon arrière-grand-mère.
Dans les cheveux de Rose, on trouve encore, au milieu du blanc, de fins filaments noirs, témoins de sa jeunesse. Mon arrière-grand-mère n'accepte pa
s l'idée de vieillir : elle utilise du shampoing soin pour cheveux secs, et un après-shampoing, et du lait pour le corps. Elle veut toujours être bien habillée.
Cette femme, qui me raconte avec passion sa jeunesse, quand elle allait faire le foin et qu'elle emmenait un livre avec elle en le cachant dans ses bas pour ne pas que sa mère le voit, me fascine. Elle est énervante, parce qu'elle se plaint tout le temps, et qu'elle a des opinions très arrêtées (sur la religion surtout), mais elle est touchante : certaines personne sont faites dans leur tête pour rester jeune toute leur vie, mais quand le corps les en empêche, elles sont malheureuses. C'est le cas
de Rose.
Elle dit au curé quand il vient : "Noémie est la plus gentille de mes petites-filles, elle vient souvent me voir". Et quand je pars, elle me serre dans ses bras en disant "Merci pour la visite, et pour le jeu, je suis contente que tu vienne" et puis dans un souffle "Mais l'année prochaine avec l'école, tu ne viendras plus". C'est dt d'une façon si triste, que je dis que je prendrais toujours un moment pour venir la voir, même si ce n'est qu'une heure, parce que je vais rentrer les week-end. "Mais il y a le copain" me répond-elle en souriant. Je fais un geste de la main qui chasse Loic (pour le moment) comme on chasse une mouche "Je prendrais le temps, je viendrais". "Ah ! ça j'aimerais bi
en !".
Quand je descends à la cave pour vider sa poubelle, je vois une brouette pleine de branches de rosier, fanées, mais dont les fleurs ont gardé cet éclat doux : alors je me dit "C'est Mémé". Je me rends compte que je l'aime, et que malgré ses nombreux défauts, elle me manquera, quand elle ne sera plus
là.
Tout cela tient à une brouette pleine de roses. Il nous faut parfois du temps.
Humble gift, Marielliott

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