dimanche 23 mai 2010

Un sang d'aquarelle, Françoise Sagan

"Il n'avait qu'une envie : revoir Wanda. Il n'avait qu'une peur : qu'elle ne le voulût pas... ; et tout à coup, la pensée que cette femme, son corps, sa bouche, ses mains, sa voix, sa façon de bouger, sa façon de dormir comme de danser avec lui...et son rire, la pensée que tout cela pût ne plus lui appartenir, qu'il avait peut-être, par sa faute à lui - Constantin - perdu cette femme (élément aussi essentiel pour lui que l'eau et l'air), le fit se lever, se plier en deux sous une souffrance devenue physique et s'accrocher des deux mains aux filets de gauche et de droite, tremblant comme un hystérique. Ah oui, il était fou : il était fou d'elle !"






Cette douleur, combien de fois me la suis-je imaginée. Combien de fois m'a-t-elle fait pleurer rien que par son évocation, sa possibilité probablement possible. Je me rends compte, au jour d'aujourd'hui, que j'ai toujours évalué mon amour pour lui, la présence en moi de cette amour pour lui, à l'aune de la présence de cette souffrance possible. Si je ne pouvais plus la ressentir, me disais-je, c'est que je ne l'aime plus. Aujourd'hui, alors que je m'apaise chaque jour, je n'arrive plus à invoquer le coup fantôme ; je sais, je sens que je serais dévastée. Mais la pensée que je pourrais refaire ma vie, celle qu'avant je trouvais tout à fait inconcevable, fait jour. Alors je doute. Je doute parce que j'ai changé le système métrique, je suis passée du kilomètre au miles, et le basculement d'échelle se fait avec difficulté. Pourtant je l'aime. Je n'ai jamais aimé quelqu'un aussi sincèrement. La pensée que tout pourrait être terminé, notre histoire, la nôtre à nous, un livre de plus de mille pages - une pour chaque jour - brûlé et jeté au vent, me désespère. Et mon âme pleure. J'ai besoin que tout soit revivifié, polir le verre pour retrouver le miroir éclatant, celui où nous pourrons à nouveau nous voir tous les deux clairement à l'intérieur. Je suis en chemin. Il me faut lui faire confiance. Il me faut enfin l'accepter à nouveau et cesser de vouloir le changer, se dire que cela serait mieux avec un autre. J'ai commencé à l'aimer, un jour, pour une raison plus qu'obscure. Je ne dois pas chercher à l'aimer pour des raisons claires.

Je ne me suis jamais sentie aussi près du gouffre.
Il me retient sans même s'en rendre compte lorsqu'il me demande "Tu peux te coucher sur mon dos ? Ca me fait du bien quand tu es là". Je parlais de raison obscure. Il n'y a rien à comprendre, ce n'est pas le sens figuré qui m'a touché, simplement cette phrase nue où pourtant perçait tout l'amour qu'il a pour moi. Je fus Sainte Thérèse transpercée des flèches de l'Ange. Et maintenant, devant cette écran qui me renvoie mes mots, je voudrais écraser les doutes, ces cafards, cette peste noire, cette vermine, les écraser sous le poids de cet amour. J'y arriverai. Je les tuerai tous et je boirai leur sang bleu, leur sang d'aquarelle pour m'immuniser à jamais. Car si je sors de là, de ce piège où je commence à sortir la tête, alors rien ne pourras plus jamais atteindre l'amour que je lui porte. Et je sortirai de cette épreuve la victoire en moi - Victoire, mon prénom d'adoption, je me dois de le porter aux nues. Je l'aimerai encore. Je veux l'aimer encore, je VEUX l'aimer encore, JE VEUX L'AIMER ENCORE. "Dis-moi que l'amour ne s'arrête pas", DIS-LE MOI, DITES-LE MOI. Je le veux. Lui et rien d'autre.

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