Remuons ce sang trop longtemps endormi dans les tréfonds du coeur, les endroits que l'on atteint jamais : les doutes sont balayés, fétus de paille au vent. Une redécouverte de soi-même, de ce qu'on a vraiment envie d'être et ce qu'on sera. Et si les larmes inondent l'oreiller, ce n'est pas de la tristesse, c'est de la gratitude, car quelqu'un est derrière tout cela, ce remue-ménage, ce nettoyage de printemps viscéral et cérébral, et le sang du Nord qui dormait dans mes veines s'éveille et s'étire en moi comme un chat revenu d'un long sommeil. Quelqu'un est derrière tout ça. Son nom est D., celui qui fut là toujours pour rallumer les torches, cette sensation de bloc dans la poitrine, comme un coup, le mouvement que l'on fait quand on allume un briquet. Alors que je me croyais plus éloignée de lui que jamais je ne l'ai été, il est encore là, avec moi. Il me souffle les projets que j'ai et que je n'ai jamais réalisé, il me dit "Il est temps, Noémie, d'abandonner cette armure que tu portes et de sauter dans le vide, il est temps d'être ce que tu veux être, de redonner sa liberté à ton corps trop longtemps écrasé sous le poids de ton esprit. Il est temps, petite Noémie, tu deviens grande."
Alors je décide que je ne serai plus agressive, que je ne marcherai plus en regardant mes pieds, que je sourirai aux inconnus, que je me tiendrai droite, que je ferai du sport, que je cesserai d'être timorée, que je réussirai mes études, que je me donnerai à fond.
Je me rends compte que j'ai négligé mon frère, ma soeur, je ne supportais pas qu'ils me touchent même, et c'est terrible. Je décide aussi que je ferai plus de choses avec mon frère, recommencer à jouer en réseau, même une heure, pour être avec lui, et Lucile, si tu lis cela (ce que je crois), j'ai toujours rêvé d'une relation effective avec toi, alors maintenant, si tu le veux bien, j'aimerais vraiment être ta soeur, je veux que nous réalisions notre projet, j'aimerais qu'on se parle la semaine, quand je suis à Strasbourg, être un peu dans ta vie, qu'on partage des choses ; après 16 ans, il serait temps de commencer non ?
J'ai un frère qui n'est pas tout à fait de mon sang, que je n'avais pas vu depuis six ans. Celui-ci, je décide de ne plus le perdre de vue, de le garder. Il a suffit de quelques mots pour rouvrir les coeurs, il m'a acceptée comme soeur, et je n'ai pas peur aujourd'hui de lui dire que je l'aime. Je décide aussi de le lui dire, de ne plus avoir peur ; quand ce matin-là il m'a serré dans ses bras et me disant "Je t'aime aussi", j'ai compris que je n'avais jamais eu de raison d'avoir peur. Cet amour-là, qui est réellement celui d'un frère et d'une soeur, je ne veux pas le perdre.
J'ai une amie, ma plus ancienne amie ; je l'ai parfois négligée, je l'ai parfois blessée, mais elle est toujours là. Je n'ai jamais répondu à ta demande, te dire tes défauts : je crois que tu n'en à qu'un seul véritable, tu es tête en l'air et parfois tu ne te rends pas compte. Tu ne m'en voudras pas d'écrire cela ici. Je me demande souvent ce que je ferai si tu n'étais pas là. Je n'arrive pas à répondre. Alors reste toujours, s'il te plaît, c'est décidé, je ne me cacherai plus derrière cette froideur qui te hérisse, cette colère glacée qui te semble, avec raison, claquer comme un fouet au-dessus de ta tête : elle ne devrait pas t'être adressée, par à toi. Je te promets, je l'abandonne. Mais reste toujours.
J'ai un amoureux, un amant, un futur fiancé, un futur mari, un futur papa, quelqu'un qui m'aime, qui m'aime de l'amour le plus simple du monde, épuré comme du cristal, vierge de questions et de doutes. Combien de fois m'en suis-je voulu, je ne te traite pas toujours comme je devrais, je ne mesure pas ma chance de t'avoir je crois. Quel banalité de propos, déclaration d'amour et lieux communs ! Et pourtant que de vérité dans ses phrases si lisses qu'elles paraissent vides de sens et de sentiment. J'ai souvent douté, trop souvent, personne ne le sait. Alors je regarde en moi, et j'attends de sentir la flamme ; le jour où elle ne sera plus là je ne pourrai plus que pleurer. Mais elle est toujours là. Et lorsque, couchés ensemble sur ton canapé, nous regardons une rediffusion de Super Nanny, je me blotti contre toi et que tu me dis "Je t'aime", là seulement mon coeur s'apaise pour une minute, le flot de pensées se fige et il n'y a plus que Nous. Je ne veux que toi. Je promets que je ne m'énerverai plus pour rien, que je ne me fâcherai plus. Je ne veux que toi.
Je pourrais continuer encore longtemps. Je pourrais dire que j'ai une amie qui vit pour le cinéma, et que je décide que je veux la connaître plus ; je pourrais dire que j'ai une amie peu sûre d'elle, qui fait des bêtises parfois, et que je décide de la soutenir toujours ; je pourrais dire que j'ai une amie comédienne, et que je décide de la laisser m'aider ; je pourrais dire que j'ai une amie infirmière, que je décide de voir beaucoup plus souvent ; je pourrais dire que j'ai un ami poète, et que je décide d'être vraiment son amie ; je pourrais dire que j'ai une amie qui aime les canards, que je décide de me rapprocher d'elle ; je pourrais dire que j'ai une amie qui refuse encore de s'ouvrir à moi, et malgré tout je décide que je l'aime et que je ne veux vraiment pas la perdre.
Tout cela dans le temps d'un battement de coeur, le soir, enfouie dans mes draps. La vague me traverse. Etrangement, ce soir-là, je dors bien.
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