vendredi 5 mars 2010

"Et les mots résonnent"

J'ai gardé en moi une extrême pudeur, qui passe pour une extrême froideur. Cela aurait pu être autrement. Elle est le fruit d'une douloureuse histoire personnelle, et non pas de principes que j'aurais construit pour moi-même ; j'essaye, j'ai essayé de me le faire croire. Je n'aime pas envisager deux personnes passant au travers de ce filet, ce filet qui m'a secourue moi, mais qui les entrave eux. 

Avec Loic. Un sac de noeud. J'ai été entravée, fortement, dans ma tête et plus encore dans mon corps, je me suis débattue dans cette toile invisible et coupante, et à force de blessure j'ai baissé la tête comme un animal pris. Je n'aurais pas du. Ce fut la période la plus difficile de ma courte existence et les plaies aujourd'hui me brûlent encore parfois plus que de l'acide. A nouveau par pudeur, la douleur est lissée sous des mots. Peut être un jour l'écrirais-je, peut être que cela sera ma plus belle page, suintant tellement la souffrance qu'il faudra la brûler avant qu'elle ne vous brûle. Cela pourrait arriver, si j'avais la fibre d'un grand écrivain. Ce n'est pas le cas.

S'il n'avait pas placé entre nous ce mur de verre, au bout de quelque mois, même du haut de nos quinze ans, nous aurions fait l'amour, comme sûrement des milliers d'autres. Je revois encore, ces moments, ces demi-secondes où l'instant prenait un tour différent, se courbait sans que l'on sans aperçoive, inconsciemment, et éloignait la fin. Je dis, "Avec Loic je voulais attendre un an, je voulais quelque chose de sûr, j'ai besoin de certitude" ; je me rends compte, je me mentais, je me protégeais, je ne sais pas de quoi. 

Cela fait de NOUS une histoire pas comme les autres. Pas comme les milliers. Nous en étions arrivés, si jeunes, dans ce genre de situation, de malaise qui nous ordonne de regarder au plus profond de nous-mêmes et de l'autre, et l'on s'aperçoit, sans étonnement, que l'autre justement est plus que probablement la bonne personne, le kairos grec personnifié. A passer si près de la mort d'un amour en germe, au lieu de le tuer, de l'avorter, nous avons trouvé dans notre sous-sol personnel le spectacle d'une fleur d'un autre genre, qui pouvait éclore si un "Je t'aime" plein de larmes venait encore à sortir de nos lèvres tremblantes pour lui donner vie. Cette fleur je la porte chaque jour à ma boutonnière, dans mes poumons je la sens vivre, il y a réellement quelque chose. Cela fait de NOUS, de Loic et de Noémie, une histoire pas comme les autres.

Excusez ma pudeur, ma gêne, ma réticence. C'est une entaille profonde, elle guérira. Elle est aussi la cicatrice de ma plus belle victoire.

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