vendredi 29 avril 2011

Phèdre.

C'est comme si le monde était divisé entre deux failles, la promesse d'un été tant attendu et mérité, et la menace que tout aille de travers. Papa est sous chimiothérapie pour six mois ; Audrey s'en va ; Thibaut ne peut, plus que probablement, pas venir habiter avec moi ; mes partiels dérapent. J'ai l'impression de m'accrocher très fort aux mailles du filet qui contient ma vie, pour ne pas qu'elle s'échappe de tous côtés. Je ne sais pas encore si j'y arrive ou pas. Le quotidien est pesant, partagé entre l'ennui et les révisions ; ma seule goutte d'oxygène, c'est Thibaut : il s'en fout, et il m'aide à m'en foutre. Il attend les opportunités de la vie, j'apprends. Sans lui, je crois, chaque jour serait encore sans passion ; je vis aux crochets des séries télé, parce que je n'ai pas le temps de lire. JE N'AI PAS LE TEMPS DE LIRE. J'ai "autre chose" à faire, à savoir apprendre 14 pages de chronologie en trois jours pour finalement ne pas avoir appris la moitié des dates qui étaient demandées. La fac pèse parfois ; il y a toujours, derrière la sensation de liberté, celle de savoir que personne ne sera là, parmi les professeurs, pour vous aider, pour vous rattraper : on ne fera même pas de commentaire désagréable sur votre mauvaise note, parce que de toute façon, on s'en fiche un peu. C'est votre affaire de réussir. Voilà pourquoi tant de gens échouent à la fac. La chute libre, c'est grisant, mais quand personne ne vous a expliqué comment s'ouvre le parachute, ça devient moins drôle. J'ai tellement envie de lire. TELLEMENT, bon sang. Je veux relire Lignes de Failles de Nancy Huston, et d'autres romans d'elle, je veux essayer de commencer L'Education Sentimentale de Flaubert et Le Lys dans la vallée de Balzac, et à nouveau aller à la bibliothèque, parcourir les rayons pendant une heure, et revenir avec six ou sept livres que je rendrai dans deux semaines. Je n'écris plus parce que pour mon imagination, c'est une période de famine intellectuelle : les disciplines universitaires sont sèches. J'ai un monde d'esprit à entretenir, moi, un univers, j'ai besoin de stocker des choses, des images, des sensations, des sentiments pour pouvoir, à partir de ces filaments de lumière, créer des visages, et surtout les remplir. Aujourd'hui, je suis juste exténuée. Plus que trois partiels. J'irai chez mamie, j'ai besoin d'air, j'ai besoin de paysages, j'ai besoin des vieilles robes que je pourrai ressortir pour voir si elles me vont enfin, j'ai besoin d'un terrain propice à la croissance de fleurs dans ma tête. Je me sens sale, je me sens lasse, paresseuse, un peu fanée, ennuyeuse. Et j'aime pas ça. Je mesure d'autant mieux chaque jour le subtil changement d'atmosphère qui suit l'arrivée de Thibaut dans mon espace, et ce qu'il m'apporte au quotidien. C'est pas du remplissage, du bouche-trou, c'est une grande inspiration d'air dans la journée que j'aurais passé la tête dans le sable.

1 commentaire:

Petite L. a dit…

J'adore ta phrase de fin et la photo de ta banderole sur ton blog ! Courage, c'est bientôt les vacances :)
(enfin, pour toi!)